jeudi 18 décembre 2008

La première illustration de couverture

Pour faire du Temps un livre, j'avais besoin d'une illustration de couverture.

Depuis 2001, je fabrique mes livres moi-même. Ils ont une drôle d'allure, franchement bricolo, qui me plaît assez. Lorsque je dus décider d'une illustration pour la couverture du Temps, je fus bien embêté. Le roman est assez abstrait.

La couverture devait être imprimable au jet d'encre, point trop colorée pour ne pas coûter trop cher en petites cartouches, assez sympa, pas forcément voyante, puisque le livre ne serait jamais proposé en librairie.

Je n'en étais pas à mon coup d'essai. J'avais déjà réalisé plusieurs couvertures. L'été précédent, j'avais réalisé beaucoup de photos à l'occasion d'un voyage avec ma compagne et j'ai trouvé deux photos qui convenaient assez bien, l'une où elle remonte un peu l'ourlet de sa robe d'un gracieux mouvement et l'autre, assez banale, prise dans une gare de banlieue de Berlin. Je fis apparaître la jeune femme en transparence sur le quai de la gare, comme un fantôme et je jugeai que cela convenait. La question de la couverture m'ennuyait assez, mais je fus content du résultat. Une astuce amusante l'a rendue plus originale : un peu de texte oblique, ce qui commanda de poser le titre verticalement. J'arrangeai tout cela et voici le résultat :


Pour économiser l'encre, je change la couleur du texte toutes les deux ou trois impressions. Le roman est alors baptisé Le Temps… avec points de suspension.

Aucune quat' de couv', inutile, mais juste une petite phrase, finalement assez banale, qui ne me plaît plus trop aujourd'hui : « Le temps perdu ne se rattrappe jamais ». Manque d'inspiration, ce jour-là.

L'idée du texte en une n'est pas très originale : cela s'est fait dans des collections de poche et, à l'occasion, sur des jaquettes de chez, je crois, Albin-Michel. Actuellement, Les nouveaux auteurs proposet une couverture avec une citation de quatre lignes. J'ai, simplement, utilisé le début du roman.

Le livre comporte un numéro ISBN, un prix (très théorique, puisque je ne l'ai jamais vendu), mais pas de code-barre, et toutes les indications réglementaires (Imprimerie spéciale, Apple Laserwriter IIg, chez l'auteur, Malakoff). Il est déposé à la Bibliothèque nationale, très régulièrement.

Ensuite, au cours de l'hiver suivant, il m'est venu à l'idée d'utiliser le format livre pour envoyer Le Temps… comme un manuscrit aux éditeurs réguliers. j'ai rédigé une quatrième de couverture pour une petite série d'une dizaine d'exemplaires que finalement, je n'ai jamais envoyés. Ceux-ci, ne comportant pas d'ISBN ni d'indications réglementaires, sont aujourd'hui des super-collectors.

Pierre Douillard, qui présidait alors Cose-Calcre, en voyant la couverture, m'a dit : « Mais pourquoi la fille est-elle toute petite ? C'est elle qu'on a envie de voir ! » Je m'en suis souvenu ensuite. Pour mon roman suivant, l'amusante pochade Un cadavre dans le cagibi, j'ai repris une couverture de même type, un peu bancale car le roman l'est aussi, avec une toile de Domergue photographiée dans ue vitrine à Honfleur, représentant très bien mon héroïne Tara Tranxène, et je l'ai utlisée en grand.


mercredi 10 décembre 2008

La première version du Temps

Message précédent : A l'origine du temps

Donc le concours étant terminé je me retrouve aussitôt avec trente pages d'un roman, écrites à toute vitesse et retravaillées dans la foulée. J'ai la chance de pouvoir écrire facilement dans une langue point trop désagréable. Mais, visiblement, mon roman n'est pas à proprement parler un roman fantastique : point de monstres, de fantômes, vampires, zombies ou autres apparitions bizarres ordinaires du roman fantastique. Le temps est plutôt un thème de science-fiction. Ce n'est pas étonnant car je n'ai jamais été amateur de fantastique. C'est à peine si j'ai pu lire des nouvelles de Claude Seignolle, jadis. En revanche, la science-fiction m'a passionné dans les années 70. Elle convenait bien à mon esprit de rationaliste.


Je me souvenais du paradoxe temporel dans Le voyageur imprudent, de Barjavel, auteur que, comme la plupart des jeunes j'avais beaucoup aimé à la vingtaine, je connaissais les aventures de Valérian, agent spatio-temporel, bande dessiné de Pilote assez célèbre, j'avais souvenir d'un roman, dont le titre m'échappe dans lequel le monde avait été créé de toutes pièces à une date précise, avec tout son passé et, bien, sûr, de la Machine à remonter dans le temps, d'H. G. Wells, surtout par le merveilleux film tourné
dans les années 50, qui m'avait marqué lorsque je l'avais vu, adolescent.

Mais surtout, j'ai découvert au début des années 2000, à la merveilleuse librairie Tschann du boulevard du Montparnasse, un essai absolument extraordinaire : Soixante sujets de romans au goût du jour et de la nuit, de Sarane Alexandrian.

Ce livre est un ovni littéraire extraordinaire. Alexandrian, né en 1926, a fréquenté les surréalistes. Il est présenté comme historien d'art, critique, romancier, etc. mais ce jour-là, je tombe par hasard sur ce livre, en butinant dans les rayons. C'est exactement ce que le titre promet. Soixante romans imaginaires sont décrits, analysés, remis dans leur contexte, critiqués.
C'est une leçon magistrale. Je me plonge dedans, n'en ressors qu'après l'avoir lu et relu dans tous les sens, et mis de côté quelques idées. Parmi celles-ci, le roman surréaliste. Principe : avant le rêve, pendant le rêve, après le rêve. Alexandrian présente un roman surréaliste assez complexe, mais mentionne le célèbre Juliette, ou la clé des songes, de Georges Neveu : l'histoire d'un homme qui possède de la mémoire dans un pays où personne n'en a. C'est un rêve, ce qui permet de s'affranchir des contingences techniques. J'échappe donc à la science-fiction. comme je n'ai plus la contrainte du roman fantastique : l'irruption de l'irrationnel dans le quotidien, je suis libre. un petit remaniement du résumé et je reprends l'écriture. Au fur et à mesure de la rédaction, je le donne à lire à ma compagne qui l'annote. Un jour, elle trouve que cela devient répétitif, je précipite la fin et, rapidement, le roman se termine.

Un mois plus tard, le manuscrit est prêt, en premier jet relu. Je l'envoie à une amie qui m'en fera une première lecture véritable. Je le reprends après l'été. Il n'est pas épais mais maigrit encore.

J'ai été un peu vite. Je le trouvais si réussi que je l'ai aussitôt mis en page, relu et recorrigé, et imprimé. Il restait quelques fautes, qui figurent dans la toute première édition, réalisée sur beau papier, quelques exemplaires, pour offrir à Noël. Rapidement on me signale les coquilles,
que je corrige et j'en tire une petite cinquantaine.

Puis je passe à autre chose.




jeudi 4 décembre 2008

À l'origine du Temps




C'est en 2006 que j'ai lu quelque part qu'un concours était proposé dont le prix serait une sorte de stage , la « Résidence du premier roman », offert à deux lauréats. La problématique du concours était simple : il fallait écrire un résumé d'un roman fantastique et trente pages du début. Facile. Seul problème, il ne restait que quinze jours ou trois semaines pour boucler l'affaire.

J'avais une idée, depuis longtemps : le temps, comme quatrième dimension. Tout le monde sait, ou croit savoir, que le temps, serait, selon Einstein, la quatrième dimension… mais c'est évident pour tout le monde, elle n'est pas comme les trois premières, longueur, largeur, hauteur… on ne peut pas la parcourir librement.

Donc il fallait faire vite, il fallait faire simple : Histoire d'un homme qui, un beau jour, découvre la quatrième dimension comme les trois premières, simplement en regardant dans le temps comme on regarde à droite, à gauche, devant, derrière, en haut, en bas…

Pour ne pas compliquer inutilement, j'ai situé l'action à Paris, dans des quartiers connus, qu'il est inutile de décrire : Gare du Nord, Quartier latin, Montparnasse. Ces noms sont évocateurs. Le héros, j'ai fait au plus simple, sera un architecte, métier prestigieux, que je connais (c'est mon premier métier), c'est le métier du héros de Et si c'était vrai, de Marc Levy. Cela permet toute liberté. Le roman devait être un boy-meets-girl, je tenais à ce qu'il reste dans les canons habituels du roman à succès, à cause du sujet un peu tordu. Elle est figurée en amante idéale (tant qu'on y est, autant se faire plaisir). Et c'est parti.

Ah, oui, j'oubliais : une référence importante, Soixante sujets de romans au goût du jour et de la nuit, de Sarane Alexandrian (Fayard). Il y est dit que le principe du roman fantastique, c'est l'irruption de l'étrange dans l'ordinaire. Ensuite, cela doit être logique. Il y est aussi expliqué le principe du roman surréaliste. Je m'en suis inspiré. Je reviendrai plus tard sur ce livre épatant.

Il va à sa rencontre, c'est la routine. Au plus simple : elle arrive par la gare du Nord. Souvenirs personnels de mon amante du début des années 2000 que j'allais chercher à la gare (mais pas du Nord). Principe important, pour moi : reprendre des choses connues, mais en les décalant.

Le roman devait être dramatique, mais rester une comédie. Pas de catastrophe. A la fin, tout s'arrange. A Jacqueline Harpman, j'ai emprunté une simplification qu'elle indique à propos de sa Plage d'Ostende : C'est un remake de Tristan et Yseut, mais elle supprime le philtre : les deux héros tombent amoureux fous naturellement. Ici, le temps change de nature sans explication pseudo-scientifique : on n'est donc pas dans la science-fiction, mais bien dans le registre fantastique.

L'écriture des trente pages a pris quelques jours. Tout se déroule très naturellement, cela avance. J'ai auparavant rédigé un résumé qui marche assez bien. Il me reste du temps pour peaufiner les trente pages. J'envoie le manuscrit.

Il revient trois jours après : je suis recalé.

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